Cet article n'a peut-être pas sa place sur ce blog et ma réflexion, mais cet écrit m'a aidé à voir plus clair et à mettre des mots sur les événements que nous venons de vivre. Il a été publié une première fois sur facebook et il me semble maintenant judicieux de le mettre maintenant sur mon blog. Enjoy :

J'ai eu peur…

Je me doute bien qu'il arrive à tous d'avoir peur, d'être effrayés à propos de certaines choses, mais aujourd'hui, au lendemain du terrible massacre du vendredi 13 novembre à Paris : j’ai été tétanisé par la peur, dans un centre commercial, en faisant ce que je sais faire le mieux : animer un stand de jeu.

Peut-être qu'avec un préambule, vous serez à même de comprendre l’idée de mes propos. Ma vie ne va pas au beau fixe actuellement, on pourrait presque même dire que je suis en dépression (personnellement je le ressens de cette manière). Ça va mal niveau cœur, niveau famille, niveau santé, niveau logement et enfin niveau profession (merci les potes d'être encore là, je vous kiff putain!) et il y a eu le drame d'hier soir. J'ai eu peur pour mes amis, mes connaissances, mes relations que l'un d'entre eux soit au mauvais endroit, au mauvais moment. J'ai passé ma nuit à imaginer les pires scénarios lorsque j'ai appris qu'une certaine Lola (prénom de mon ex pour qui il reste des sentiments encore forts) a disparu au cours de l'attentat au Bataclan (c'était typiquement le genre d'endroit où elle pouvait se trouver) et au petit matin je reçois un message de sa part m'annonçant qu'elle allait bien. Ouf.

Je me trouve rassurer et plein d'espoir à me dire que NON je ne céderais pas à la peur et OUI je vais aller animer mon stand de jeu libre et gratuit dans ce centre commercial afin d'apporter un peu de rêve aux enfants. Rien, ni personne ne m’empêchera de faire cela !

La fréquentation est faible pour un samedi de novembre et l'ambiance du centre commercial n'est pas là du tout, les gens ne restent pas, le regard de certaine personne n’est dur à supporter et les propos d'autres sont à vomir. Je vois entrer une équipe de policier avec l'ensemble du matériel : fusils, gaz, gilet pare-balle, enfin l'ensemble de l'équipement au complet comme si une guerre allait éclater. D'une nature allergique aux armes à feu, je ne prête pas spécialement attention à eux et au même titre que je fais mon travail de faire jouer les gens, ils font leurs boulots de protéger les mêmes gens (et moi au passage).

La journée continue de progresser et sans raison apparente, je vois l'équipe de policier courir en direction de l'autre côté du centre commercial, en passant à côté de notre stand. Un silence de plomb s'est imposé sur l'ensemble du centre commercial. Un centre commercial est par nature un endroit assez bruyant avec des enfants, des commerçants, de la musique, du bruit, cette fois, rien, plus rien. Vous savez, ce genre de long silence où personne n'ose se regarder, où chacun attend d'entendre un bruit sourd et prononcé qui annoncerait le début d'un mouvement de panique, un BANG si caractéristique d'un événement encore trop proche pour qu'on puisse en rire. C'est les hurlements d'un homme en colère et apparemment soûl qui ont réussi à détendre la situation. Mais voilà le mal était fait, la peur allait être notre compagne pour encore de longs moments.

C'est à cet instant que je me suis vraiment mis à avoir peur. Peur, car mon cerveau malade à automatiquement assimilé que j'étais la prochaine cible à éliminer (pas moi, hein soyons d'accord), mais ce que je représente : un magasin de jouet remplit de familles occidentales venues faire leurs courses avant la fête chrétienne (et commerciale, oui ça peut valoir double, ce genre de combo pour certains individus) de noël. J'ai regardé les gens d'une manière complètement différente après ce court instant : ils n'étaient plus des clients potentiels pour une partie de jeu ou une création en sable, mais des potentiels terroristes qui viennent mettre fin à ce que je fais d'une manière brutale, absurde et sans pitié. Le pire, c'est que j'allais passer mes 4 prochaines semaines à faire de l'animation jeu dans des magasins de jouets dans toutes la France.

Et c'est à ce moment où je suis devenu au mauvais animateur. J'ai eu peur d'aller vers les inconnus pour leurs proposer une partie de jeu, j'ai eu peur des femmes et des hommes dont je ne voyais pas le visage, j'avais peur de faire trop de bruit et qu'on me remarque trop dans le centre commercial, j'ai eu peur de cet enfant qui sortait un pistolet nerf de son sac Toy's R'us. Ils ont réussi à faire, ce que le matin même je ne pensais pas possible : ils ont réussi à me faire peur sur le seul domaine que je maîtrise parfaitement : animer.

C'est peu avant la fermeture du centre et le rangement de mon stand que je me suis retrouvé avec cette sensation de tétanie qui nous prend par les tripes, un bruit, un seul bruit sourd, comme un pétard qui explose (maintenant avec le recul, ça devait être simplement un objet qui tombe d'un sac, mais mon cerveau ne l'a pas perçu comme ça sur le moment). J'étais sûr que mes doutes étaient fondés, j'allais devenir la prochaine victime d'un terroriste complètement fou. Le bourreau venait faire son office meurtrier et barbare et j'étais au top de sa liste des victimes. Était-ce un précédent joueur ? Un stagiaire d'un commerce des alentours ? Je ne savais rien et je ne savais pas quoi faire. Je n'ai pas réussi à bouger, je suis resté figé à attendre que quelque chose se passe. Je voyais bien les gens qui continuaient à faire ce qu'ils avaient à faire, mais moi, non.

Il m'a fallu quelques minutes pour reprendre mes esprits et me diriger calmement dans les toilettes du centre afin de vomir cette peur et cette angoisse dans un florilège de larmes et de sanglots. Je crachais autant mon incapacité à bouger que l’idée même d’avoir peur de l’autre, de cet inconnu avait germé dans mon cerveau et avait une première racine qui semblait bien solide.

J'ai séché mes larmes, j'ai remis mon masque de super animateur qui a la classe et l'énergie et je suis retourné faire semblant d'être le meilleur animateur du monde.

Je ne sais pas combien de temps, ça va me prendre de refaire vraiment ce que je faisais avant, peut-être quelques jours, peut-être quelques semaines. Mais je sais que les 4 prochaines semaines, je serais dans des grands magasins de jouets à faire la promotion de nos produits avec des copains, en espérant chaque seconde, chaque minute que rien de terrible ne se passe et que les fêtes de fin d'année puissent avoir lieu correctement.

J'ai peur et je ne sais pas franchement comment le dire, comment l'hurler, mais une chose est sure : ils ont réussi à instaurer la peur dans mon esprit, une peur irrationnelle, car je n'ai pas les outils, ni les moyens de comprendre comment ils pensent. Mais voilà, j'ai eu peur et je pense que je vais avoir peur encore un bout de temps. Je suis preneur d'idée sur comment gérer cela, comment changer ma vision des choses, quoi faire pour ne plus trembler devant le faite de faire jouer des gens gratuitement et librement à la veille des fêtes de noël peut-être la cible d'une prochaine attaque d'un fanatique religieux

Etat d'âme
Retour à l'accueil