GN et pathologie

Mais faire du jeu de rôle, « tu as pas peur de devenir complétement ton personnage et plus différencier le réel de l'imaginaire » Cette petite phrase issue d'un entretien avec un ami au sujet de ma passion amateur pour les jeux de simulation en général m'a posé la question de ce préjugés au sujet de faire du GN entraînerait une perte de notre identité propre. C'est pourquoi nous devons nous renseigner au sujet, tout d'abord des différentes pathologies qui existe à ce sujet, pour ensuite vérifier d'une hypothèse corrélation avec le GN.

1 Les Troubles Dissociatifs :

Les troubles dissociatifs sont caractérisés, selon le DSM-IV par la survenue d'une perturbation touchant des fonctions normalement intégrées, comme la conscience, la mémoire, l'identité ou la perception de l'environnement. Cinq troubles dissociatifs sont identifiés: l'amnésie dissociative, la fugue dissociative, le trouble dissociatif de l'identité, le trouble de dépersonnalisation et trouble dissociatif non spécifié.

1.1 L'amnésie dissociative

L'amnésie dissociative est caractérisée par une incapacité à évoquer des souvenirs personnels importants, habituellement traumatiques ou stressants, cette incapacité ne s'expliquant pas par une mauvaise mémoire.

1.2 La fugue dissociative

La fugue dissociative est caractérisée par un départ soudain et inattendu de son milieu de vie habituel, s'accompagnant d'une incapacité à se souvenir de son passé et d'une confusion concernant son identité personnelle ou bien l'adoption d'une nouvelle identité.

1.3 Le trouble dissociatif de l'identité

Le trouble dissociatif de l'identité (auparavant appelé personnalité multiple) est caractérisé par la présence de deux ou plusieurs identités ou "états de personnalité" distincts qui prennent tour à tour le contrôle du comportement du sujet, s'accompagnant d'une incapacité à évoquer des souvenirs personnels. Cette incapacité est trop importante pour s'expliquer par une mauvaise mémoire.

Voici les critères diagnostiques de ce trouble :

  • A. Présence de deux ou plusieurs identités ou "états de personnalité" distincts (chacun ayant ses modalités constantes et particulières de perception, de pensée et de relation concernant l'environnement et soi-même).
  • B. Au moins deux de ces identités ou "états de personnalité" prennent tour à tour le contrôle du comportement du sujet.
  • C. Incapacité à évoquer des souvenirs personnels importants, trop marquée pour s'expliquer par une simple mauvaise mémoire.
  • D. La perturbation n'est pas due aux effets d'une substance ou d'une affection médicale générale.
  • N.B. Chez l'enfant, les symptômes ne peuvent pas être attribués à des jeux d'imagination ou à l'évocation de camarades imaginaires.

1.4 Le trouble de dépersonnalisation

Le trouble de dépersonnalisation est caractérisé par un sentiment prolongé ou récurrent de détachement de son propre fonctionnement mental ou de son propre corps, l'appréciation de la réalité demeurant intacte.

On observe souvent différents types d'anesthésie sensitive, un manque de réaction affective, un sentiment de perte de contrôle de ses actes, notamment de ses propres paroles. La dépersonnalisation est une expérience relativement courante et le critère C (voir plus bas) s'avère déterminant pour le diagnostic. Environ la moitié des adultes ont vécu un épisode unique et bref de dépersonnalisation à un moment de leur vie, avec généralement pour facteur précipitant un stress intense. Près de 40% des personnes hospitalisées pour des troubles mentaux vivent une expérience de dépersonnalisation transitoire.

Voici les critères diagnostiques de ce trouble:

  • A. Expérience prolongée ou récurrente d'un sentiment de détachement et d'une impression d'être devenu un observateur extérieur de son propre fonctionnement mental ou de son propre corps.
  • B. Pendant l'expérience de dépersonnalisation, l'appréciation de la réalité demeure intacte.
  • C. La dépersonnalisation est à l'origine d'une souffrance cliniquement significative ou d'une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d'autres domaines importants.
  • D. L'expérience de dépersonnalisation ne survient pas exclusivement au cours de l'évolution d'un autre trouble mental, comme la schizophrénie.

1.5 Le trouble dissociatif non spécifié

Le trouble dissociatif non spécifié dont la caractéristique principale est un symptôme dissociatif mais qui ne répond pas aux critères d'aucun des troubles dissociatifs spécifiques. Par exemple, états de dissociation chez les sujets qui ont été soumis à des

manoeuvres prolongés de persuasion coercitive (lavage de cerveau, redressement idéologique, endoctrinement en captivité).

Il est à remarquer que des symptômes dissociatifs figurent parmi les critères diagnostiques de l'état de stress aigu, de l'état de stress post-traumatique et du trouble somatisation. On ne porte pas le diagnostic additionnel si les symptômes surviennent exclusivement pendant l'évolution de l'un de ces troubles. Également, il est admis et courant que certaines activités d'ordre culturel ou certaines expériences religieuses s'expriment par des états dissociatifs. Elles ne sont pas pathologiques en soi surtout lorsqu'elles n'entraînent ni souffrance significative ni altération du fonctionnement.

(1) American Psychiatric association, DSM-IV, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Traduction française, Paris, Masson, 1996, 1056p.

2 Vis à vis du Grandeur Nature

Pour ce qui est du GN, je ne m’aventurerai pas sur l'aspect l'amnésie dissociative et la fugue dissociative qui révèle selon moi de la psychologie ou de la sociologie cognitiviste. Mais je propose à l'inverse de revenir sur deux troubles : celui qui est dissociatif de l'identité et le trouble de la dépersonnalisation.


2.1 Les personnalités multiples

Il s'agirait de jouer le rôle de Mireille Dumas que d’affirmer ici que le GN est un facteur inhérent à la création d'une pathologique psychologique : celui des personnalités multiples. Je propose à l'inverse de revenir sur un aspect qui semble pour moi important : Qu'est ce qu'une personnalité multiples et comment est née cette pathologie :

Sybil a eu jusqu’à 16 personnalités différentes ! Son cas avait marqué le début d’une véritable épidémie de personnalités multiples aux États-Unis. Mais les contre-enquêtes menées sur cette histoire jettent aujourd’hui un trouble… sur la réalité des personnalités multiples.

L’histoire avait ému et impressionné toute l’Amérique. Cela se passait en 1973. Cette année-là parut Sybil, un livre racontant l’histoire d’une femme souffrant du trouble de la personnalité multiple. On connaissait jusque-là des cas de « dédoublement de la personnalité » qui avaient hanté l’imaginaire de la Belle Époque. On connaissait l’histoire de Docteur Jekyll et Mister Hyde, sans trop savoir si cela correspondait à des troubles réels ou s’il s’agissait de pures fictions. On connaissait aussi le cas des « hystériques » de Jean Martin Charcot, ces femmes en proie à des crises spectaculaires, changeant brusquement de personnalité et de timbre de voix, qui se mettaient à parler des langues bizarres, hurlaient des insanités, pleuraient, riaient, puis se réveillaient sans se souvenir de rien. On y voyait une analogie évidente avec les récits de possession démoniaque. Puis la « grande hystérie » avait disparu de la scène, les psychiatres n’évoquant que rarement des cas de « dissociation de personnalité ».

Avec Sybil, un nouveau cas extraordinaire apparaissait. Lors des séances de psychothérapie menées avec la psychanalyste Cornelia Wilbur, Sybil se transformait : seize personnages, avec des noms et des souvenirs très différents, surgissaient régulièrement au cours des séances d’hypnose. Certains de ces personnages racontaient des souvenirs d’enfance où il était question de maltraitances et d’abus sexuels. Ce cas exceptionnel attira l’attention de la journaliste Flora Rheta Schreiber, qui décida d’en faire le récit. C’est ainsi que le livre Sybil fut un best-seller, suivi en 1976 d’un film. Mais bientôt le cas Sybil connut un succès inattendu. D’autres cas similaires apparurent alors un peu partout en Amérique. Des lectrices se reconnaissaient dans Sybil. Des psychologues découvraient dans leur cabinet des cas semblables. En quelques mois, des centaines de nouveaux cas, puis des milliers, furent répertoriés. Tous n’étaient pas aussi spectaculaires que Sybil. Mais tous répétaient à peu près le même schéma. Au cours de séances de psychothérapie, les patients se transformaient en de nouveaux personnages. Des souvenirs d’enfance émergeaient où il était question de viol et d’inceste…

La bataille fit rage. Certains doutaient de la véracité des cas, d’autres au contraire y voyaient la preuve des effets posttraumatiques psychologiques d’un tabou trop longtemps caché : les abus sexuels sur les enfants. Les sceptiques durent reculer devant la multiplication des cas et l’offensive des tenants de la nouvelle maladie : le « trouble de la personnalité multiple » était né. Il fit donc son entrée dans le DSM, le manuel de référence des troubles psychiatriques.

Contre-enquête

L’épidémie de troubles de la personnalité multiples atteint son apogée au milieu des années 1980. Des dizaines de milliers de cas (50 000 environ) furent répertoriés – à l’étonnement des psychiatres européens qui ne rencontraient pratiquement pas de cas similaires. L’affaire avait aussi pris une tournure judiciaire. Les tribunaux étaient saisis de nombreuses plaintes déposées par des personnes qui accusaient leurs parents, parfois dix, vingt ou trente ans plus tard, de leur avoir fait subir des violences sexuelles durant leur enfance. Aux accusations d’abus sexuels et d’incestes s’ajoutaient dans certains cas des récits extraordinaires de rites sataniques, de meurtres d’enfants.

Puis, au début des années 1990, débuta une inversion de tendance. Devant l’ampleur du phénomène et les récits de plus en plus extravagants (1), les doutes commencèrent à peser lourdement. Les certitudes tendirent à l’effondrement. Certains psychologues furent accusés d’induire certains récits et souvenirs chez leurs patients. Les travaux d’Elizabeth Loftus, spécialiste de la mémoire, avaient d’ailleurs démontré qu’il était relativement facile d’induire de « faux souvenirs » chez certaines personnes (2).

Dans le même temps, le cas Sybil fit l’objet d’un réexamen. Ce fut d’abord le psychiatre Herbert Spiegel qui émit publiquement des doutes. Il avait suivi Sybil pendant les vacances de sa psychanalyste. Pour lui, les symptômes de Sybil ne correspondaient pas à une personnalité multiple mais plutôt à un comportement hystérique. Il commença même à soupçonner C. Wilbur d’influencer sa patiente et de lui suggérer des récits (3).

Aujourd’hui, le doute n’est plus permis. La journaliste Debbie Nathan vient de publier une enquête détaillée sur l’affaire. Bien que les trois protagonistes principales de l’affaire soient décédées (5), D. Nathan a eu accès aux archives de F.R. Schreiber et à d’autres sources de premier choix. Dans Sybil Exposed (Free Press, 2011), D. Nathan ne soutient pas seulement une manipulation croisée entre C. Wilbur et Sybil, elle estime qu’elles étaient toutes deux très conscientes de frauder. Dès 1958, Sybil confiait dans une lettre qu’elle jouait aux personnalités multiples parce que cela la faisait exister et pour attirer l’attention sur elle. La journaliste a écrit le récit en s’appuyant sur les récits des séances mais en arrangeant les faits. On redécouvre aussi que les souvenirs d’incestes n’étaient pas rapportés par S. Mason, mais uniquement par certains de ses multiples personnages.

Entre-temps, le nombre de cas de personnalités multiples avait brusquement chuté aux États-Unis, la curieuse épidémie refluait à grand pas. Dès 1994, devant les sérieux doutes émis sur les troubles de la personnalité multiple, les responsables du DSM avaient déjà supprimé la catégorie de leur manuel pour la remplacer par celle, plus large, des « troubles dissociatifs de la personnalité ». Le livre Sybil Exposed est publié au moment où de nouvelles batailles font rage entre psychiatres à propos d’autres troubles psychiatriques. En 2013, la cinquième édition du DSM doit voir le jour et déjà certains rapports préparatoires font polémique. Il est ainsi prévu de supprimer du prochain manuel les « troubles de la personnalité narcissique » ainsi que quatre autres troubles de la personnalité : paranoïaque, histrionique, schizoïde et dépendante (6). Dans ce débat, on retrouve à peu près les mêmes ingrédients que dans les grandes batailles ayant eu lieu à propos des cas de personnalité multiple.

Donc n'est malade que celui qui est traité de malade et reconnus comme malade par la société dans la-quel il vit. Même avec la plus grande volonté du monde, au sein même de l'ensemble de mon panel de Gnistes, jamais on m'a fait part d'individu ayant des personnalités multiples, mais à l'inverse le nombre croissant d'individus cherchant à se valoriser socialement et qui trouve à travers cette pratique une façon de s'affirmer dans une société idéalisé sans risquer une camisole important.


2.2 le trouble de la dépersonnalisatio
n.

La dépersonnalisation est, quand à elle, un critère bien plus important à prendre en compte dans notre pratique, car il s'agit d'un fait bien réel de sensation, certes éphémères dans la majeur partie des cas. Mais une sensation désagréable quand bien même. Il faut bien prendre en compte que n'importe qui peut être exposé à ce trouble à partir du moment où il vit une expérience prolongée ou d'un sentiment de détachement et d'une impression d'être devenu un observateur extérieur de son propre fonctionnement mental ou de son propre corps. Il reste conscient de son environnement et de ses sens mais cela peut être à l'origine d'une altération du fonctionnement social ou dans d'autres domaines importants.

Pour appuyer cette expérience, parlons un peu du vécu. Il m'est arrivé, il y a de cela quelques années une expérience embarrassante et du moins bien anodine pour notre activité. J'ai participé à une murder, particulièrement immersive et particulièrement bien organisée. Il faut noter qu'à ce moment de ma vie j'étais en proie à un stress important pour des raisons sentimentales et professionnelles. Mais voila que la murder se joue avec un niveau d'immersion de la part des joueurs et des organisateurs d'une rare intensité. Mais la fin approchant, je découvre par le biais d'une longue intrigue que je n'existe pas, un ghost d'une IA quelconque à la recherche d'une identité physique dans un monde virtuel.

Le choc a été sans appel, à peine ais-je disparu aux yeux des autres joueurs pour m'isoler dans le local des organisateurs, que me voilà en proie à des bouffés de stress et un mal-être étrange, celui de n'avoir jamais existé dans mon propre corps et surtout d'avoir été une machine, doté de sentiment certes, mais une suite de 0 et de 1 qui donnait une âme à ce que j'étais.

Je revois encore le regard de l'organisateur me regardant pâle comme un linge et cherchant à me réconforter, et il était impossible pour moi de dire ce que j'éprouvais pour la simple et bonne raison que j'avais vécut émotionnellement (selon moi) une dépersonnalisation de mon personnage, de mon rôle. Je fus tellement immerger dans mon rôle et dans l'ambiance que la réalité narratif que je n'existai pas n'était pas concevable et me voilà projeter dans la salle de l'orga, cette salle ou le réel et l'irréel se côtoie dans un espace loin du regard des joueurs.

Il m'aura fallut quelques temps pour retrouver une « entité physique propre » en me séparant du costume et en faisant un debriefing avec l'orga. Mais le sentiment est vraiment incommodant.

Pour conclure le GN n'est pas une activité pathogène qui entraine une dégradation du tissus social et affectif de l'individu pas une intériorisation d'une maladie quelconque. Les quelques maladies existantes à ma connaissance qu'on pourrait mettre en relation avec l'activité de simulation d'un rôle d'une façon immersive sont le trouble dissociatif de l'identité qui a été démontré comme étant une illusion psychiatrique et le trouble de la dépersonnalisation qui est un sentiment de mal-être mais qui s'oublie en ritualisant l'acte d'enlever le costume et de quitter son rôle, pour revenir à sa propre personnalité.

Notre personnalité n'est-elle pas, elle-même, un cumule de nombreux rôles que nous jouons pour vivre dans ce theatrum mundi qu'est la société ?

Sources :

http://www.psychomedia.qc.ca/diagnostics/quels-sont-les-troubles-dissociatifs

http://www.scienceshumaines.com/les-personnalites-multiples-histoire-d-une-illusion-psychiatrique_fr_28337.html

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